Monsieur Géraud de Laffon a repris en 2003, avec son épouse, cette propriété de famille située en Touraine. Nous vous présentions déjà le château de Gizeux dans cet article (à découvrir ici). Il nous raconte l’histoire de ce monument historique et de son incroyable galerie. Il nous partage, également, ses conseils pour gérer une demeure dans laquelle sa famille vit depuis plusieurs siècles.

Cette interview est un extrait de l’interview publiée dans le 6e magazine Castellissim. Vous pouvez vous abonner au magazine en cliquant ici. Abonnement annuel : 29€ (magazine) ou 37€ (magazine + guide pour les gestionnaires de lieux), frais de port inclus.

 

Quelle est l’histoire du château de Gizeux ?

Les archives nous relatent l’existence d’une forteresse en bois bâtie au onzième siècle sur l’emplacement de l’actuel château. Aucun vestige n’en a subsisté. Ainsi, les plus anciennes constructions que nous pouvons encore voir de nos jours sont la tour d’entrée, l’aile droite ainsi que l’enceinte crénelée. Datées précisément de l’an 1334, elles constituent les vestiges de l’époque médiévale.

A cette époque, l’illustre famille du Bellay arrive à Gizeux. Désireuse de moderniser l’édifice et de recréer l’esprit de la cour, elle fait agrandir sa demeure, à la Renaissance, et construit le corps de logis en forme de U. Cette architecture en forme de U est typique des constructions de la Renaissance en Val de Loire. Les deux angles internes sont flanqués de tours d’escaliers aux dimensions inégales. Tandis que les du Bellay aménagent de grands salons de réception au premier étage, ils réservent le rez-de-chaussée aux services (cuisine, office, lingerie…).

La famille du Bellay, proche de l’écrivain Joachim du Bellay, réside à Gizeux pendant près de trois cent cinquante ans et entreprend, au cours des différents siècles, de nombreux travaux. Sous le « règne » de Marie d’Yvetôt, épouse de René du Bellay en 1585, la demeure est décorée luxueusement par des peintres italiens vers 1610 et une vie de cour s’organise à Gizeux. Mais les du Bellay sont ruinés par leur train de vie fastueux et sont obligés de vendre à la fin du dix-septième siècle.

La propriété est alors vendue à Anne de Frézeau de la Frézollière, veuve de René de Rouxelley et comtesse de la Roche-Millay. Soucieuse de parfaire l’éducation artistique de son fils unique, Anne de Frézeau se retire à la campagne et invite une école de peinture à décorer l’espace qui deviendra la fameuse galerie des châteaux, vers 1685. Après la mort tragique de son fils, lors d’un duel, la comtesse rentre au couvent et laisse son petit-fils vendre la demeure.

En 1723, René de Grandhomme, nouvellement anobli par le roi Louis XV et qui a fait fortune à Saint-Domingue, en devient propriétaire. Son fils, Simon-René de Grandhomme, fait construire les communs et aménage les salons du rez-de-chaussée, tels que nous les connaissons aujourd’hui.

Sans descendance, sa fille, la Duchesse de Brancas, fait don du monument à sa filleule Julie Constantin de la Lorie, à l’occasion de son mariage avec Louis-Gabriel de Contades en 1786. C’est cette dernière qui réside ici durant la Révolution française. La jeune femme garde seule l’imposante demeure puisque son époux a rejoint l’armée des princes et ne reviendra qu’en 1801, après s’être exilé à Saint-Domingue. Après le saccage du vieux château, elle fera camoufler les boiseries de la galerie François Ier afin de la protéger, avec l’aide des habitants du village. Depuis cette date, la propriété est restée dans la même famille.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’édifice est occupé par les allemands. Cela n’a pas empêché mon grand-père de cacher des résistants dans les caves, grâce à un tunnel qui débouche dans la forêt.

Ouvert au public depuis 1993, le château est avant tout un lieu de vie où trois générations se côtoient.

Château de Gizeux_Indre-et-Loire Castellissim
Château de Gizeux_Indre-et-Loire interview

 

Quelles activités proposez-vous au château de Gizeux ?

Nous organisons des visites guidées et des visites libres avec un support écrit ou un audioguide. Dans ce dernier cas, les visiteurs entendent notre voix ce qui permet de créer un lien plus personnel entre eux et nous. Les audioguides sont également disponibles en anglais et en italien, la traduction en néerlandais est en cours.

Les familles peuvent bénéficier d’ateliers pédagogiques dont les thèmes changent régulièrement_: héraldique, utilisation du four à pain du dix-huitième siècle… Ce sont nous, ou des guides, qui les animons. Parents et enfants ont également la possibilité de participer à une chasse au trésor qui est renouvelée tous les trois ans.

Nous proposons quatre chambres d’hôtes de février à décembre. Nous invitons ces clients à bénéficier de la visite du monument, ce serait dommage pour eux de ne pas le découvrir. Un gîte est également disponible, pour quatre à six vacanciers, pour une durée de minimum trois jours, dans la partie centrale du monument. Il permet d’investir les lieux et de goûter à la vie de château sans en avoir les contraintes.

Par ailleurs, de nombreux passionnés, et pas uniquement des locaux, nous ont exprimé leur souhait de devenir acteurs du patrimoine et de ne pas seulement vivre des expériences ludiques. Ils ressentent le besoin de faire plus, d’avoir une action participative. C’est pourquoi nous mettons en place des chantiers qui permettront, à ceux qui le désirent, en fonction de leur disponibilité, de participer à différents travaux ne comportant pas trop de difficultés techniques. Parmi ceux-ci, il y aura : peinture à la farine, torchis, maçonnerie à la chaux… Une association est en cours de création à cet effet.

Quelle est votre clientèle ? Qu’en est-il de cette année 2020 ?

Cette saison touristique 2020 est compliquée et nous devons rassurer les visiteurs, leur dire qu’ils peuvent visiter les demeures en toute sécurité, que ce sont des endroits calmes et qu’il y a de grands espaces. Les lieux de patrimoine sont adaptés pour accueillir toutes les générations ensemble. Les familles peuvent se retrouver et découvrir que les racines sont importantes pour se projeter dans l’avenir.

Les personnes habitant notre région sont des prescripteurs. Quand ils reçoivent des amis, ils les encouragent à visiter Gizeux. Nos visiteurs viennent en majorité de Paris, de Picardie, du département du Nord et de Belgique. Trente à trente-cinq pour cent des visiteurs sont des étrangers. Chaque année, nous accueillons onze mille personnes (visites et chambres d’hôtes).

Les ateliers pédagogiques sont plutôt destinés aux locaux et adaptés à différentes tranches d’âge d’enfants. Chaque jour, nous proposons plusieurs thématiques. Nous conseillons généralement aux gens intéressés de téléphoner au préalable pour s’organiser. Cette année, les inscriptions sont obligatoires.

Château de Gizeux_Indre-et-Loire galerie des châteaux interview
Château de Gizeux_Indre-et-Loire_Castellissim

Vous habitez ici toute l’année. Comment conservez-vous une vie de famille, tout en combinant avec l’accueil de clients ?

La partie privée de la maison est principalement constituée de pièces plus intimes qui n’ont pas d’intérêt historique ou artistique. Alors que les endroits qui méritent d’être vus sont dans la partie publique. Dans ces espaces, il n’y a pas de frontière, pas de corde de passage, les visiteurs se promènent à leur guise.

La frontière avec la vie privée n’est pas simple et il est important de faire attention à sa vie de famille. Nous dédions des pièces à nos enfants où ils savent qu’ils sont chez eux et qu’ils ne seront pas vus.

Il faut bien échanger avec eux concernant les projets. Plus ils grandissent, plus on peut en parler en amont. Nous tenons compte de leurs remarques, ils ont un regard très pertinent. Ils sont parties prenantes et nous sommes les décideurs.

Nous n’avons pas prédéfini qui, parmi nos enfants, devrait s’impliquer plus tard. Chacun a sa place, des talents et des limites différents. Nous donnons le choix, à ceux qui le souhaitent, de rester au port. Ils choisissent les études dont ils ont envie et choisiront d’abord leur vie familiale.

Quels sont vos projets futurs ?

Une première idée est la mise en place des chantiers de restauration. Un autre sujet concerne le mécénat participatif. Nous avons contacté les mécènes des campagnes précédentes et leur avons proposé différents projets de restauration. Ils ont choisi la chapelle du château. C’est donc cet endroit qui fera l’objet de la prochaine campagne de financement participatif. Nous devons également remplir un dossier préalable technique pour définir la programmation des travaux.

Château de Gizeux_Indre-et-Loire interview
Château de Gizeux_Indre-et-Loire - interview propriétaire

Cette interview est un extrait de l’interview publiée dans le 6e magazine Castellissim. Vous pouvez vous abonner au magazine en cliquant ici. Abonnement annuel : 29€ (magazine) ou 37€ (magazine + guide pour les gestionnaires de lieux), frais de port inclus.

Dans l’interview complète, vous découvrirez d’autres photos (dont les intérieurs du château), le trésor de Gizeux et les conseils du propriétaire pour réussir une campagne de financement participatif. Monsieur Géraud de Laffon nous explique comment l’offre à Gizeux se différencie de ce qui est proposé dans les autres châteaux du Val de Loire. Il répond également à cette question « Avez-vous mené une réflexion concernant les forces et faiblesses de ce lieu ? Comment avoir un regard extérieur alors qu’il appartient à votre famille ? ». A lire dans le 6e numéro de Castellissim.

Crédits photos : réseaux sociaux du château. D’autres photos illustrent l’article du magazine (intérieurs et extérieurs du château de Gizeux). Site internet du château : www.chateaudegizeux.com. Nous vous faisions également découvrir le château de Gizeux dans cet article (cliquez ici).

Recevez la Castel'News

Outre le magazine, nous vous proposons une dose de patrimoine, chaque semaine, dans votre boite email, au programme : lieux mystérieux, anecdotes, découvertes… et autres surprises !